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Politique libre

Twitter va bien, merci

Rédigé par dada / 22 novembre 2022 / Aucun commentaire


Cette période est épuisante. Entre la météo qui s'accorde enfin avec la saison et les projecteurs braqués sur Mastodon, un bout de Fédivers, je n'en peux plus.

Pour me détendre, je vais vous confirmer ce que certains craignent et ce que certains espèrent : Twitter va très bien. À n'en point douter.

Pourquoi ? Si vous vous posez la question, c'est que vous n'êtes pas un habitué des médias dits « alternatifs » et ce n'est pas grave. C'est une façon de faire et d'échanger qui n'est pas pour tout le monde. Des accros au rugby aux influenceuses, l'alternatif n'est d'aucun intérêt.

Quand je dis que Twitter va bien, c'est la manière dont il a façonné la consommation des échanges entre les gens via le microblogging, comme on dit, qui va très bien.
  • Un réseau doit être centré.
  • Il faut un chef ou un groupe de chefs qui prennent la responsabilité de ce qui peut y être partagé.
  • Il faut écrire en 240 caractères.
  • Il faut faire des threads, ou des fils, pour être compris.
  • Il faut que la modération provienne d'une seule entité.
  • Une marque verte bizarre certifie l’identité de quelque chose.
  • Et j'en passe.
Il faudra du temps pour que cette façon de voir le monde change, si elle doit changer.

Et ça n'est pas grave.

Cela fait des années que j'évolue dans un monde où ces règles paressent idiotes. Ce ne sont pas les personnes qui se servent de Twitter qui sont idiots, ce sont les règles qu'elles et ils suivent et qu'ils et elles s'amusent, parfois avec élégance, à contourner qui sont idiotes. Je le pense et je le répéterai à qui veut l'entendre sans sourciller.

Est-ce grave ? Non, pas du tout.

Les histoires de Musk ne me sont d'aucun intérêt. Il a repris un réseau qui a posé des règles qui me sont étrangères. Au mieux, je soupire, au pire, je vois dévaler des gens dans mon fil d'actualité qui ne comprennent pas pourquoi Mastodon ne permet pas de faire du Twitter.

Et ça n'est pas grave.

J'ai, par le passé, écrit que ces règles étaient désastreuses et qu'elles influençaient le monde dans lequel nous vivons. Je le pense toujours. J'ai simplement pris le temps de fuir toutes les cochonneries qui s'y attachent comme les sites d’actualités à base de tweet ou de photo Instagram, les journaux qui vivent de faits divers, et j'ai déconnecté tout ce que je pouvais pour éviter des recommandations basées sur l'actualité véhiculée par les médias sociaux commerciaux. Alors, oui, effectivement, je ne suis plus au courant de grand-chose de « hypant ».

Et ça n'est pas grave.

Nous ne sommes pas toutes et tous obligé d'évoluer aux mêmes endroits avec les mêmes codes. Le Fédivers a ceci de joli qu'il permet à des gens aux codes différents de communiquer. Ailleurs, c'est pour le moment impossible mais rien ne presse et migrer d'un réseau à l'autre ne vous réconfortera pas forcément.

Et ça n'est pas grave.

La façon de voir le monde qu'offre le logiciel Mastodon est encore jeune. Elle a évolué et va évoluer. Sa dernière version permet, par exemple, d'afficher la liste des voisins bloqués. C'est une incroyable fonctionnalité par la transparence qu'elle offre. Elle n'est pas magique mais elle offre des informations supplémentaires sur ce que les modérateurs qui vous accueilleront font. C'est essentiel. Imaginez Twitter afficher la liste des comptes bloqués et les raisons du blocage ? Oui, vous pouvez sourire.

Enfin, Mastodon continue de faire du Mastodon.
Twitter continue de produire du Twitter et va bien, merci.

Comment faire comprendre à quelqu'un qu'il a tort

Rédigé par dada / 25 janvier 2020 / 1 commentaire


Maintenant que le titre vous a bien attiré par ici, le voici en entier : Comment faire comprendre à quelqu'un qu'il a tort (et pourquoi c'est une mauvaise question).

Nous devons cet incroyablement trop long titre de vidéo à Mr.Sam (Peertube, Youtube), vidéaste sceptique belge. Je suis encore dans une période de découverte de ce mouvement dit sceptique et je dois bien avouer que j'y trouve beaucoup de jus de cerveau. Du coup, je vous invite à vous y pencher aussi. L'instance Skeptikon est votre amie.

En prélude, le toot de Mathdatech qui me semble être une incroyablement bonne entrée en matière :


Il résume presque à lui tout seul ce que fait comprendre la vidéo de 2h ci-dessous. Presque, puisque Mr.Sam n'oriente absolument pas son discours autour du logiciel libre. Pas du tout même.

Bref, maintenant, la vidéo :


Si je vous en parle dans ce blog de libriste convaincu, c'est que je trouve que nous serions bien avisés de tous tirer des leçons de ce que ce vidéaste prend le temps de nous expliquer.

Se concentrer sur le logiciel libre, mettre de côté tout ce qui n'a pas la bonne licence, exclure l'achat d'outils qui ne respectent pas les libertés fondamentales : c'est une démarche impossible à faire comprendre dans un dialogue frontal. C'est un engagement qui peut être vu comme une fantaisie qui n'apporte que des contraintes si le ou la libriste s'y prend mal lors de son explication. Et c'est foutu. Définitivement.

Du coup, prendre le temps de s'intéresser à la rhétorique, à l'art oratoire et à la construction du dialogue avec son interlocuteur doit faire partie de notre bagage de compétences si nous voulons lutter à armes égales avec les discours des startups ou autres GAFAM. Ils ont le savoir "faire rêver", nous avons des choix de société : c'est un combat incroyablement délicat et difficile.

Bref, je vous encourage vraiment à aller voir le travail de Mr.Sam et bon week-end à vous.

Twitter, mon amour

Rédigé par dada / 18 octobre 2019 / 5 commentaires


En grand fan d'Arrêt sur Images, je n'ai pas raté la chronique de Daniel Schneidermann annonçant, heureux comme tout, qu'il avait décidé d'intégrer son flux Twitter à la page d'accueil de son site. L'utilisation du pronom possessif de cette première phrase est importante : on parle bien de son site. Il fait ce qu'il veut chez lui.
Chez moi, cette annonce m'a glacé le sang. Même si je sais très bien que c'est un accro de l'oiseau bleu et qu'il s'en sert pour nous fournir des articles critiques fabuleux, je ne peux m'empêcher d'être déçu.

@SI, comme on dit, est d'une qualité remarquable. J'adore tout y lire pour comprendre comment le monde tourne en décortiquant le traitement des sujets à la télévision, à la radio et sur les réseaux sociaux. Ceci-dit, je ne veux pas voir ces réseaux sociaux. Ils m'exaspèrent, me rendent furieux, me traumatisent. En lire les critiques en bien ou en mal, c'est ce que je viens chercher chez @SI. Les lire brutalement, sans recul : non. Pourquoi ? Parce que je sais très bien que ces sites sont calibrés pour me rentrer dans le crâne, pour me faire perdre mes repères et ma capacité critique : je ne suis pas taillé pour lutter contre leurs effets et c'est pour ça que j'ai décidé de les fuir.

En les fuyant, j'ai d'abord trouvé refuge sur diaspora* mais c'est sur Mastodon que je me sens le mieux. Ça va faire deux ans que je gère mon instance et que j'y traîne très régulièrement. Ce réseau n'est pas taillé pour me rentrer dans le crâne. Là-bas, rien n'est fait pour anesthésier ma fragile pensée critique et mon recul. Les infos circulent librement, les gens débattent, les points de vues se croisent : on y est bien malgré les seulement quelques millions d'utilisateurs à l'échelle de la planète.

Depuis quelques semaines, pourtant, j'ai le sentiment que nous sommes en train de perdre. Nous, les utilisateurs de Mastodon, n'avons pas réussi à clairement expliquer ce que nous y cherchions. Je me permets de dire ça en ayant un œil sur la timeline publique. Qu'est-ce que j'y vois ? Des messages provenant de Twitter.

Une quantité non négligeable de messages calibrés pour Twitter que des utilisateurs de Mastodon peu scrupuleux nous glissent sous les yeux.

Bien sur, ils ne sont pas triés par les algorithmes du géant américain avant de venir se caler sous nos yeux. Ça n'est pas possible. Par contre, ils sont calibrés, taillés, rédigés, construits pour bénéficier de cet algo magique dont seul Twitter a le secret. Et ça, pour moi, c'est non.


Je ne peux pas m'empêcher de vous refourguer cette vidéo de Datagueule. Elle nous rappelle le ciblage efficace des citoyens par le politique à travers des outils numériques. Tout le monde s'en sert, pas que les politiques. Ces derniers veulent simplement vous connaître pour mieux récupérer votre bulletin de vote. C'est le jeu, dirons-nous.
Par contre, avec l'aide des grandes plateformes, ils sont capable de vous retourner le cerveau avec une précision terrifiante. Quand les GAFAM s'amusent à récolter des données, c'est souvent pour les revendre à des statisticiens, qui feront des courbes, dégageront des tendances et refileront tout ça à ceux que ça intéresse : les producteurs de films, de musiques, des publicitaires, les constructeurs automobiles et, vous le devinez : les politiques.

Une discussion avec mon frère m'a fait comprendre que les gens restent persuadés d'avoir le contrôle sur ce qu'ils déballent dans l'Internet. J'ai mis du temps avant de comprendre qu'il ne pouvait tout simplement pas imaginer que Twitter, Facebook, Google et les autres ne peuvent être utilisés sereinement. C'est impossible. Vous ne pouvez pas avoir un usage serein des anciens réseaux sociaux tout comme vous ne pouvez pas voler avec une voiture. Ce n'est pas fait pour. Que vous le vouliez ou non, d'autres personnes que vous ont décidé de leur fonctionnement.

Twitter a permis l'émergence de choses fabuleuses : que ce soit le mouvement Metoo, les violences policières, les révolutions arabes et tous ces autres événements sociétaux passionnants dont les noms m'échappent. Malgré ça, j'ai besoin de calme et d'un traitement de fond comme sont capables de m'offrir les articles d'@SI ou des Jours.
La boite noire Twitter fait émerger des sujets puis les enterre. C'est son fonctionnement. C'est comme ça. Tant pis pour la diffusion de l'analyse de fond. Il faut renouveler l'engagement du twittos alors on met en avant ce qui provoque le plus de réactions sanguines, impulsives.

Il existe des vidéastes qui en jouent très bien, comme le patron de la chaîne Astronogeek. Il utilise des titres provocateurs pour sortir la tête de l'eau de Youtube et ça semble marcher. Il le fait d'une façon intelligente et de nombreux témoignages remercient ses coups de pubs sur le dos de l'algo de Youtube. M'enfin, à l'échelle de Youtube, cette intelligence ne pèse malheureusement pas grand chose.

C'est la masse des gens soumis à ces réseaux qui, je le crois, cassent en partie le fonctionnement de notre société. Ce n'est pas jouer au vieux con que de dire ça : il devient difficile de ne plus trouver d'article de presse en ligne populaire n'affichant pas le contenu d'un tweet ou d'un poste Instagram dans son corps. Ces réseaux deviennent le point de départ de sujet qui vous passeront sous les yeux et alimenteront les discussions autour de la machine à café. On est tous touchés par ces monstres, qu'on y ait un compte ou pas. Ils influencent massivement le débat public à cause de leurs utilisateurs. Ils déforment ce débat. Un sujet qui apparaît à la une de la presse en ligne, provenant d'un tweet, est affuté pour sortir la tête de l'eau de l'océan Twitter. Il est déjà sélectionné de par son respect des règles. C'est trop tard.

Je ne veux pas de ça sur Mastodon. Je veux que vous veniez débattre, échanger, râler mais je ne veux surtout pas du mode du fonctionnant d'un Twitter sous mes yeux. Si vous venez nous rejoindre, gardez ça a l'esprit et ne cherchez pas à devenir celui ou celle qui buzzera avec le bon mot. Devenez un passeur de connaissances, actif, c'est déjà énorme.

Ne vous méprenez pas : Les réseaux neutres comme Mastodon ne sont pas la solution à tous les problèmes qui traversent notre société. Ils sont simplement là pour vous rappeler que vous pouvez vous enfermer tout seul, sans l'aide de personne ni d'algos, comme un grand, dans votre bulle et l'assumer.

Des bisous

Les sceptiques ont, heureusement, leur instance Peertube

Rédigé par dada / 13 octobre 2019 / 3 commentaires


On entend toujours beaucoup de monde se moquer de Peertube, le logiciel que ceux qui savent faire peuvent installer sur un serveur pour se sortir de Youtube : il n'y a pas grand monde, c'est un truc de geeks, il n'y a pas de contenu et j'en passe.

C'est globalement vrai. On n'y trouve pas les grands créateurs de vidéos d'unboxing, de tuto make-up, de tests d'appareils de musculation et autres.

Par contre, on y trouve la communauté des sceptiques. Ces gens-là s'amusent à utiliser leurs cerveaux pour pointer du doigt la façon dont les gens se/vous mettent des choses dans le crâne. C'est terriblement passionnant. Passionnant, certes, mais gênant pour tout un tas de raison : ils s'attaquent à des sujets parfois sensibles et, comme beaucoup de vidéastes, se prennent les fameuses règles de Youtube dans la tronche quand ils titillent des personnages critiquables.

Plutôt que de râler uniquement contre ces-dites règles de Youtube, ils ont trouvé le moyen de faire tourner leur propre instance Peertube : skeptikon.fr, et d'y publier leur travail.

Ils peuvent, d'un côté, se faire striker sur Youtube et, de l'autre, garder en ligne et visible la vidéo litigieuse sur Peertube. Un grand renfort de communication sur les autres réseaux sociaux permet de rediriger le flux de leurs abonnés de Youtube à Peertube et de communiquer autour de l'événement.

C'est ce qui s'est passé avec cette vidéo :


Je vous invite fortement à la regarder : vous allez avoir 1h de bonheur sous les yeux.

On admire ici l'intérêt de Peertube pour cette communauté : il n'est pas possible de se battre contre Youtube. Le géant du web ne s'intéresse pas vraiment à ses utilisateurs, il s'intéresse à ses annonceurs, ses clients, et à ses revenus. Quand une vidéo tombe, se défendre est quasiment impossible et, si vous êtes chanceux, elle reviendra en ligne bien assez tard pour qu'elle soit coincée au fond du réseau, invisible.

La structure de Skeptikon, que je ne connais absolument pas dans les détails, permet une chose assez incroyable : passer outre les actions préventives de Youtube. De quoi ?
Sachez que quand Youtube reçoit une réclamation de la part d'un soi-disant ayant droit, la société donne toujours la priorité au réclamant et laisse la cible dans la mouise. Toujours. Avec Peertube, les administrateurs de l'instance ne réagissent pas comme ça. Si les soi-disant ayants droit transmettent une réclamation, c'est par la voie traditionnelle qu'elle va être traitée, avec avocat et tout le tralala. Dehors, donc, le comportement paillasson de la société américaine. Rien que cette menace de cheminement classique devrait refroidir un habitué des réclamations à l'américaine.

Si on embraye sur le financement de la création, la tendance semble être la suivante : les revenus de Youtube ne permettent plus de vivre correctement quand on produit du jus de cerveau. Il n'y a qu'à voir la quantité de comptes Tipeee, de sites de ventes de produits dérivés et de sponso (NordVPN !). 

Cette situation me donne envie de rappeler aux créateurs qui ne seraient pas dans les bonnes grâces de Youtube qu'il est possible, au prix d'efforts, de vivre de son travail en dehors de Youtube et qu'une solution existe. Les sceptiques montrent l'exemple. J'attends maintenant que les critiques cinémas et les autres prennent la même voie. On sait tous que leurs vidéos se font démonétiser ou striker. Peertube pourrait très bien être un havre de paix pour eux aussi.

Pour aborder rapidement l'absence de gens sur Peertube, je vous invite à aller voir les statistiques de la chaîne de Clément Freze, le mentaliste embêté par les règles de Youtube :


Les vidéos Youtube de ce jeune ne dépassent pas les 4 000 vues quand sa vidéo sur Peertube double ce score. Qu'en conclure ? Qu'en sortant de la création bas de gamme naturellement mise en avant par Alphabet pour gaver les gens de pubs entre deux âneries, il est possible de se sortir des algorithmes de Youtube pour offrir du contenu pertinent aux gens. Vraiment.

Pour aller plus loin, je vous invite à profiter du bouche à oreille qui m'a donné envie de rédiger ces quelques lignes en allant voir la vidéo de MrSam : Il doute d'un médium, ça tourne pas. Le petit point d'?.

On en retient quoi, de tout ça ? Que Peertube n'est plus une solution à négliger.

De l'économie du numérique et du libre

Rédigé par dada / 14 mars 2019 / 8 commentaires


Avec des projets plein la tête, ou plutôt des envies, et le temps libre que j'ai choisi de me donner en n'ayant pas de boulot depuis quelques mois, j'ai le loisir de m’interroger sur l'économie du numérique. Je lis beaucoup d'articles et utilise énormément Mastodon pour me forger des opinions.

Ce billet a pour origine cet entretien de Frédéric Fréry sur France Culture  : Plus Uber perd, plus Uber gagne.

Uberisation d'Uber

Je vous invite à vraiment prendre le temps de l'écouter, c'est franchement passionnant. On y apprend, en gros, que l'économie des géants du numérique est, pour certains, basée sur une attitude extrêmement agressive : il faut être le moins cher possible, perdre de l'argent à en crever et lever des fonds à tire-larigot pour abattre ses concurrents avec comme logique un pari sur la quantité d'argent disponible à perdre par participants. Celui qui ne peut plus se permettre de vider les poches de ses actionnaires a perdu. Tout simplement. Si ces entreprises imaginent, un jour, remonter leurs prix pour envisager d'être à l'équilibre ou rentable, l'argument du "ce n'est pas possible puisque ça rouvrira une possibilité de concurrence" sortira du chapeau de ces génies pour l'interdire. Du capitalisme qui marche sur la tête.

L'investissement sécurisé

La deuxième grande technique des géants du numérique est basée sur la revente de statistiques collectées auprès de ses utilisateurs. Ces données privées que vous fournissez à Google, Facebook Inc, Twitter & co permettent à ces sociétés de disposer d'une masse d'informations telle que des entreprises sont prêtes à dégainer leurs portefeuilles pour en dégager des tendances.
Je m'amuse souvent à raconter que si les séries et les films se ressemblent beaucoup, ce n'est pas uniquement parce que le temps passe et qu'on se lasse des vieilles ficelles, c'est aussi parce que les énormes investissements engagés dans ces productions culturelles sont basés sur des dossiers mettant en avant le respect d'un certain nombre de "bonnes pratiques" captant l'attention du plus gros panel possible de consommateurs ciblés.
Avec toutes ces données, il est simple de savoir quel acteur ou quelle actrice est à la mode, pour quelle tranche d'âge, quelle dose d'action, de cul ou de romantisme dégoulinant il faut, trouver la période de l'année pour la bande annonce, sortie officielle, etc. Ça donne une recette presque magique. Comme les investisseurs sont friands de rentabilité, on se retrouve avec des productions culturelles calquées sur des besoins connus : c'est rassurant, c'est rentable, c'est à moindre risque. Pas de complot autour de l'impérialisme américain, juste une histoire de gros sous.
Cette capacité de retour sur investissement est aussi valable pour le monde politique, avec Barack OBAMA comme premier grand bénéficiaire ou encore cette histoire de Cambridge Analytica.
C'est ça, ce qu'on appelle le Big Data, ses divers intérêts au service du demandeur et la masse de pognon qu'il rapporte aux grands collecteurs de données.

La pub

Une troisième technique consiste à reprendre les données collectées auprès des utilisateurs pour afficher de la pub ciblée, donc plus efficace, donc plus cher. C'est une technique connue, alors je ne développe pas. Chose marrante, quand même, je ne retrouve pas l'étude (commentez si vous mettez la main dessus !) mais je sais que la capacité de ciblage est tellement précise qu'elle peut effrayer les consommateurs. Pour calmer l'angoisse des internautes, certaines pub sans intérêt vous sont volontairement proposées pour corriger le tir.

Les Hommes-sandwichs

Une autre technique est plus sournoise. Pas pour nous autres, vieux loubards, mais pour les jeunes : le placement produit. Même si certain Youtubeurs en font des blagues pas drôles (Norman...), ce truc est d'un vicieux.
Nos réseaux sociaux n'attirent pas autant de monde qu'espéré pour une raison assez basique : les influenceurs et influenceuses. Ces derniers sont des stars, au choix parce qu'ils sont connus de par leurs activités précédentes (cinéma, série, musique, sport, etc) ou parce que ces personnes ont réussi à amasser un tel nombre de followers qu'un simple message sur Twitter, Youtube ou Instagram se cale sous les yeux d'un monstrueux troupeau. Ils gagnent le statut d'influenceur de part la masse de gens qui s'intéresse à leurs vies (lapsus, j'ai d'abord écrit vide à la place de vie). J'ai en tête l'histoire de cette jeune Léa, par exemple. Ces influenceurs sont friands de plateformes taillées pour leur offrir de la visibilité et clairement organisées pour attirer l’œil des Directeurs de Communication des marques. Mastodon, Pixelfed, diaspora* et les autres ne permettent pas de spammer leurs utilisateurs, n'attirent donc pas les marques, qui sont la cible des influenceurs, ces derniers n'y dégageant, in fine, aucun besoin d'y être présents.
Ces gens-là deviennent les nouveaux "hommes-sandwichs". Ils ou elles sont contactés pour porter tel ou tel vêtement, boire telle boisson ou pour seulement poster un message avec le nom d'un jeu. Les marques les adorent et l'argent coule à flot.

On peut attendre

Bref, l'économie du numérique n'est pas si difficile que ça à cerner, même si je ne parle pas de tout. Ce qui m'intéresse dans toutes ces histoires est la stabilité de ces conneries sur le long terme et la possibilité de proposer autre chose. On peut attendre que les Uber se cassent la figure calmement, on peut attendre que le droit décide enfin de protéger les données des utilisateurs, on peut aussi attendre le jour où les consommateurs comprendront qu'ils sont les seuls responsables de l'inintérêt de ce qu'ils regardent à la télé, au cinéma, en photos ou encore que les mastodontes du numériques soient démantelés. Bref, on peut attendre. La question est : qu'aurons-nous à proposer quand tout ceci finira par se produire ?

La LowTech

Après la FinTech, la LegalTech, etc, faites place à la LowTech ou SmallTech. Je ne connaissais pas ces expressions avant de tomber sur cet article dans le Framablog et celui de Ubsek & Rica d'Aral. On y apprend que c'est un mouvement qui s'oppose frontalement aux géants, ce qui est fantastique. C'est une vision du monde qui me va très bien, en tant que militant du Libre depuis plus de 10 ans maintenant. On peut visiblement le rapprocher de l’initiative CHATONS.
Cependant, j'ai du mal à saisir les moyens qui pourraient être mis en œuvre pour sa réussite.

Les mentalités

Les mentalités actuelles sont cloisonnées : le Libre, même s'il s'impose dans quelques domaines, reste mal compris. Rien que l'idée d'utiliser un programme au code source ouvert donne des sueurs froides à bon nombre de DSI. Comment peut-on se protéger des méchants si tout le monde peut analyser le code et en sortir la faille de sécurité qui va bien ? Comment se démarquer des concurrents si tout le monde se sert du même logiciel ? Regardez le dernier changelog : il est plein de failles béantes : ce n'est pas sérieux !
Parlons aussi de son mode de fonctionnement : qui se souvient d'OpenSSL utilisé par tout le monde et abandonné pendant des années au bénévolat de quelques courageux qui n'ont pas pu empêcher l'arrivée de failles volontaires ? Certains projets sont fantastiques, vraiment, mais les gens ont du mal à réaliser qu'ils sont, certes, très utilisés mais peu soutenus. Vous connaissez beaucoup d'entreprises pour lesquelles vous avez bossé qui refilent une petite partie de leurs bénéfices aux projets libres qui les font vivre ?

Le numérique libre est la Presse

Les gens, les éventuels clients des LowTech, ont plus ou moins grandi dans une société du gratuit. L'autre jour, je m'amusais à comparer les services informatiques à la Presse. Les journaux ont du mal à se sortir du modèle gratuit. Certains y arrivent (Mediapart, Arrêts sur Image : abonnez-vous !), d'autres, largement majoritaires, non.
Il n'est pas difficile de retrouver les montants des subventions que l'État français offrent à ces derniers. Libération en parle ici. Après avoir noué des partenariats tous azimuts avec les GAFAM, après avoir noyé leurs contenus dans de la pub, les journaux en ligne se tournent doucement vers le modèle payant pour se sortir du bourbier dans lequel ils se sont mis tout seul. Le résultat est très moyen, si ce n'est mauvais. Les subventions sont toujours bien là, le mirage des partenariats avec les GAFAM aveugle toujours et les rares qui s'en sont sortis se comptent sur les doigts d'une main.
On peut faire un vrai parallèle entre la situation de la Presse en ligne et les services numériques. Trouver des gens pour payer l'accès à un Nextcloud, un Matomo ou que sais-je est une gageure. La seule différence qui me vient à l'esprit est que des services en ligne arrivent à s'en sortir en coinçant leurs utilisateurs dans des silos : vous avez un Windows ? Vous vous servirez des truc de Microsoft. Vous avez un compte Gmail, vous vous servirez des trucs de Google. Les premiers Go sont gratuits, les autres seront payants. Là où les journaux généralistes ne peuvent coincer leurs lecteurs, les géants du numérique le peuvent sans trop de soucis.

Et le libre

Dans tout ça, les LowTech libres peuvent essayer de s'organiser pour subvenir aux besoins éthiques de leurs clients. Réflexion faite, cette dernière phrase n'a pas tant que ça de sens : comment une entreprise peut-elle s'en sortir alors que l'idéologie derrière cette mouvance favorise l'adhésion à des associations ou à rejoindre des collectifs ? Perso, je l'ai déjà dit, j'adhère volontiers à cette vision du monde horizontale et solidaire. Malgré tout, mon envie de travailler, d'avoir un salaire, une couverture sociale, une activité rentable, et peut-être un jour une retraite, me pousse à grimacer. Si les brides d'idéologie LowTech orientent les gens vers des associations, comment fait-on pour sortir de terre une entreprise éthique, rentable et solidaire ?
On ne s'en sort pas, ou très difficilement, ou je n'ai pas réussi à imaginer comment. L'idée, connue, serait de s'attaquer au marché des entreprises et des collectivités pour laisser celui des particuliers aux associations sérieuses. Mais là encore, on remet un pied dans le combat pour les logiciels libres contre les logiciels propriétaires dans une arène encerclée par des DSI pas toujours à jour. Sans parler de la compétitivité, ce mot adoré par notre Président, et de l'état des finances de ces entités. Faire le poids face à la concurrence actuelle, même avec les mots "éthique, solidaire et responsable" gravés sur le front, n'est pas évident du tout.

Proie

Si je vous parle de tout ça, c'est parce que j'estime que nous sommes dans une situation difficile : celle d'une proie. Je ne vais pas reparler de l'achat de Nginx, de ce qu'il se passe avec Elasticsearch ou du comportement de Google qui fork a tout va pour ses besoins dans Chrome. Cette conférence vue au FOSDEM, The Cloud Is Just Another Sun, raisonne terriblement en moi. L'intervenant y explique que les outils libres que nous utilisons dans le cloud sont incontrôlables. Qui vous certifie que vous tapez bien dans un MariaDB ou un ES quand vous n'avez accès qu'a une boite noire qui ne fait que répondre à vos requêtes ? Rien.
Nous n'avons pas trouvé le moyen de nous protéger dans le monde dans lequel nous vivons. Des licences ralentissent le processus de digestion en cours par les géants du numérique et c'est tout. Notre belle vision du monde, globalement, se fait bouffer et les poches de résistance sont minuscules.

Pour finir

Pour finir, ne mettons pas complètement de côté l'existence réelle d'un marché : Nextcloud en est la preuve, tout comme Dolibarr et la campagne de financement réussie d'OpenDSI. Tout n'est peut-être pas vraiment perdu. C'est juste très compliqué.
La bonne nouvelle, s'il y en a bien une, c'est qu'en parlant de tout ça dans Mastodon, je vous assure que si une entreprise du libre se lançait demain, nous serions un bon nombre prêt à tout plaquer pour y travailler. À attendre d'hypothétiques clients, qu'on cherche toujours, certes, mais dans la joie et la bonne humeur.

Enfin voilà, des réflexions, des idées, beaucoup de question. On arrive à plus de 1900 mots, de quoi faire plaisir à Cyrille BORNE.

Des bisous.