Blog de dada

DevOps, bidouilleur et routard plein de logiciels libres

Édito

Twitter, mon amour

Rédigé par dada / 18 octobre 2019 / 5 commentaires


En grand fan d'Arrêt sur Images, je n'ai pas raté la chronique de Daniel Schneidermann annonçant, heureux comme tout, qu'il avait décidé d'intégrer son flux Twitter à la page d'accueil de son site. L'utilisation du pronom possessif de cette première phrase est importante : on parle bien de son site. Il fait ce qu'il veut chez lui.
Chez moi, cette annonce m'a glacé le sang. Même si je sais très bien que c'est un accro de l'oiseau bleu et qu'il s'en sert pour nous fournir des articles critiques fabuleux, je ne peux m'empêcher d'être déçu.

@SI, comme on dit, est d'une qualité remarquable. J'adore tout y lire pour comprendre comment le monde tourne en décortiquant le traitement des sujets à la télévision, à la radio et sur les réseaux sociaux. Ceci-dit, je ne veux pas voir ces réseaux sociaux. Ils m'exaspèrent, me rendent furieux, me traumatisent. En lire les critiques en bien ou en mal, c'est ce que je viens chercher chez @SI. Les lire brutalement, sans recul : non. Pourquoi ? Parce que je sais très bien que ces sites sont calibrés pour me rentrer dans le crâne, pour me faire perdre mes repères et ma capacité critique : je ne suis pas taillé pour lutter contre leurs effets et c'est pour ça que j'ai décidé de les fuir.

En les fuyant, j'ai d'abord trouvé refuge sur diaspora* mais c'est sur Mastodon que je me sens le mieux. Ça va faire deux ans que je gère mon instance et que j'y traîne très régulièrement. Ce réseau n'est pas taillé pour me rentrer dans le crâne. Là-bas, rien n'est fait pour anesthésier ma fragile pensée critique et mon recul. Les infos circulent librement, les gens débattent, les points de vues se croisent : on y est bien malgré les seulement quelques millions d'utilisateurs à l'échelle de la planète.

Depuis quelques semaines, pourtant, j'ai le sentiment que nous sommes en train de perdre. Nous, les utilisateurs de Mastodon, n'avons pas réussi à clairement expliquer ce que nous y cherchions. Je me permets de dire ça en ayant un œil sur la timeline publique. Qu'est-ce que j'y vois ? Des messages provenant de Twitter.

Une quantité non négligeable de messages calibrés pour Twitter que des utilisateurs de Mastodon peu scrupuleux nous glissent sous les yeux.

Bien sur, ils ne sont pas triés par les algorithmes du géant américain avant de venir se caler sous nos yeux. Ça n'est pas possible. Par contre, ils sont calibrés, taillés, rédigés, construits pour bénéficier de cet algo magique dont seul Twitter a le secret. Et ça, pour moi, c'est non.


Je ne peux pas m'empêcher de vous refourguer cette vidéo de Datagueule. Elle nous rappelle le ciblage efficace des citoyens par le politique à travers des outils numériques. Tout le monde s'en sert, pas que les politiques. Ces derniers veulent simplement vous connaître pour mieux récupérer votre bulletin de vote. C'est le jeu, dirons-nous.
Par contre, avec l'aide des grandes plateformes, ils sont capable de vous retourner le cerveau avec une précision terrifiante. Quand les GAFAM s'amusent à récolter des données, c'est souvent pour les revendre à des statisticiens, qui feront des courbes, dégageront des tendances et refileront tout ça à ceux que ça intéresse : les producteurs de films, de musiques, des publicitaires, les constructeurs automobiles et, vous le devinez : les politiques.

Une discussion avec mon frère m'a fait comprendre que les gens restent persuadés d'avoir le contrôle sur ce qu'ils déballent dans l'Internet. J'ai mis du temps avant de comprendre qu'il ne pouvait tout simplement pas imaginer que Twitter, Facebook, Google et les autres ne peuvent être utilisés sereinement. C'est impossible. Vous ne pouvez pas avoir un usage serein des anciens réseaux sociaux tout comme vous ne pouvez pas voler avec une voiture. Ce n'est pas fait pour. Que vous le vouliez ou non, d'autres personnes que vous ont décidé de leur fonctionnement.

Twitter a permis l'émergence de choses fabuleuses : que ce soit le mouvement Metoo, les violences policières, les révolutions arabes et tous ces autres événements sociétaux passionnants dont les noms m'échappent. Malgré ça, j'ai besoin de calme et d'un traitement de fond comme sont capables de m'offrir les articles d'@SI ou des Jours.
La boite noire Twitter fait émerger des sujets puis les enterre. C'est son fonctionnement. C'est comme ça. Tant pis pour la diffusion de l'analyse de fond. Il faut renouveler l'engagement du twittos alors on met en avant ce qui provoque le plus de réactions sanguines, impulsives.

Il existe des vidéastes qui en jouent très bien, comme le patron de la chaîne Astronogeek. Il utilise des titres provocateurs pour sortir la tête de l'eau de Youtube et ça semble marcher. Il le fait d'une façon intelligente et de nombreux témoignages remercient ses coups de pubs sur le dos de l'algo de Youtube. M'enfin, à l'échelle de Youtube, cette intelligence ne pèse malheureusement pas grand chose.

C'est la masse des gens soumis à ces réseaux qui, je le crois, cassent en partie le fonctionnement de notre société. Ce n'est pas jouer au vieux con que de dire ça : il devient difficile de ne plus trouver d'article de presse en ligne populaire n'affichant pas le contenu d'un tweet ou d'un poste Instagram dans son corps. Ces réseaux deviennent le point de départ de sujet qui vous passeront sous les yeux et alimenteront les discussions autour de la machine à café. On est tous touchés par ces monstres, qu'on y ait un compte ou pas. Ils influencent massivement le débat public à cause de leurs utilisateurs. Ils déforment ce débat. Un sujet qui apparaît à la une de la presse en ligne, provenant d'un tweet, est affuté pour sortir la tête de l'eau de l'océan Twitter. Il est déjà sélectionné de par son respect des règles. C'est trop tard.

Je ne veux pas de ça sur Mastodon. Je veux que vous veniez débattre, échanger, râler mais je ne veux surtout pas du mode du fonctionnant d'un Twitter sous mes yeux. Si vous venez nous rejoindre, gardez ça a l'esprit et ne cherchez pas à devenir celui ou celle qui buzzera avec le bon mot. Devenez un passeur de connaissances, actif, c'est déjà énorme.

Ne vous méprenez pas : Les réseaux neutres comme Mastodon ne sont pas la solution à tous les problèmes qui traversent notre société. Ils sont simplement là pour vous rappeler que vous pouvez vous enfermer tout seul, sans l'aide de personne ni d'algos, comme un grand, dans votre bulle et l'assumer.

Des bisous

De l'économie du numérique et du libre

Rédigé par dada / 14 mars 2019 / 8 commentaires


Avec des projets plein la tête, ou plutôt des envies, et le temps libre que j'ai choisi de me donner en n'ayant pas de boulot depuis quelques mois, j'ai le loisir de m’interroger sur l'économie du numérique. Je lis beaucoup d'articles et utilise énormément Mastodon pour me forger des opinions.

Ce billet a pour origine cet entretien de Frédéric Fréry sur France Culture  : Plus Uber perd, plus Uber gagne.

Uberisation d'Uber

Je vous invite à vraiment prendre le temps de l'écouter, c'est franchement passionnant. On y apprend, en gros, que l'économie des géants du numérique est, pour certains, basée sur une attitude extrêmement agressive : il faut être le moins cher possible, perdre de l'argent à en crever et lever des fonds à tire-larigot pour abattre ses concurrents avec comme logique un pari sur la quantité d'argent disponible à perdre par participants. Celui qui ne peut plus se permettre de vider les poches de ses actionnaires a perdu. Tout simplement. Si ces entreprises imaginent, un jour, remonter leurs prix pour envisager d'être à l'équilibre ou rentable, l'argument du "ce n'est pas possible puisque ça rouvrira une possibilité de concurrence" sortira du chapeau de ces génies pour l'interdire. Du capitalisme qui marche sur la tête.

L'investissement sécurisé

La deuxième grande technique des géants du numérique est basée sur la revente de statistiques collectées auprès de ses utilisateurs. Ces données privées que vous fournissez à Google, Facebook Inc, Twitter & co permettent à ces sociétés de disposer d'une masse d'informations telle que des entreprises sont prêtes à dégainer leurs portefeuilles pour en dégager des tendances.
Je m'amuse souvent à raconter que si les séries et les films se ressemblent beaucoup, ce n'est pas uniquement parce que le temps passe et qu'on se lasse des vieilles ficelles, c'est aussi parce que les énormes investissements engagés dans ces productions culturelles sont basés sur des dossiers mettant en avant le respect d'un certain nombre de "bonnes pratiques" captant l'attention du plus gros panel possible de consommateurs ciblés.
Avec toutes ces données, il est simple de savoir quel acteur ou quelle actrice est à la mode, pour quelle tranche d'âge, quelle dose d'action, de cul ou de romantisme dégoulinant il faut, trouver la période de l'année pour la bande annonce, sortie officielle, etc. Ça donne une recette presque magique. Comme les investisseurs sont friands de rentabilité, on se retrouve avec des productions culturelles calquées sur des besoins connus : c'est rassurant, c'est rentable, c'est à moindre risque. Pas de complot autour de l'impérialisme américain, juste une histoire de gros sous.
Cette capacité de retour sur investissement est aussi valable pour le monde politique, avec Barack OBAMA comme premier grand bénéficiaire ou encore cette histoire de Cambridge Analytica.
C'est ça, ce qu'on appelle le Big Data, ses divers intérêts au service du demandeur et la masse de pognon qu'il rapporte aux grands collecteurs de données.

La pub

Une troisième technique consiste à reprendre les données collectées auprès des utilisateurs pour afficher de la pub ciblée, donc plus efficace, donc plus cher. C'est une technique connue, alors je ne développe pas. Chose marrante, quand même, je ne retrouve pas l'étude (commentez si vous mettez la main dessus !) mais je sais que la capacité de ciblage est tellement précise qu'elle peut effrayer les consommateurs. Pour calmer l'angoisse des internautes, certaines pub sans intérêt vous sont volontairement proposées pour corriger le tir.

Les Hommes-sandwichs

Une autre technique est plus sournoise. Pas pour nous autres, vieux loubards, mais pour les jeunes : le placement produit. Même si certain Youtubeurs en font des blagues pas drôles (Norman...), ce truc est d'un vicieux.
Nos réseaux sociaux n'attirent pas autant de monde qu'espéré pour une raison assez basique : les influenceurs et influenceuses. Ces derniers sont des stars, au choix parce qu'ils sont connus de par leurs activités précédentes (cinéma, série, musique, sport, etc) ou parce que ces personnes ont réussi à amasser un tel nombre de followers qu'un simple message sur Twitter, Youtube ou Instagram se cale sous les yeux d'un monstrueux troupeau. Ils gagnent le statut d'influenceur de part la masse de gens qui s'intéresse à leurs vies (lapsus, j'ai d'abord écrit vide à la place de vie). J'ai en tête l'histoire de cette jeune Léa, par exemple. Ces influenceurs sont friands de plateformes taillées pour leur offrir de la visibilité et clairement organisées pour attirer l’œil des Directeurs de Communication des marques. Mastodon, Pixelfed, diaspora* et les autres ne permettent pas de spammer leurs utilisateurs, n'attirent donc pas les marques, qui sont la cible des influenceurs, ces derniers n'y dégageant, in fine, aucun besoin d'y être présents.
Ces gens-là deviennent les nouveaux "hommes-sandwichs". Ils ou elles sont contactés pour porter tel ou tel vêtement, boire telle boisson ou pour seulement poster un message avec le nom d'un jeu. Les marques les adorent et l'argent coule à flot.

On peut attendre

Bref, l'économie du numérique n'est pas si difficile que ça à cerner, même si je ne parle pas de tout. Ce qui m'intéresse dans toutes ces histoires est la stabilité de ces conneries sur le long terme et la possibilité de proposer autre chose. On peut attendre que les Uber se cassent la figure calmement, on peut attendre que le droit décide enfin de protéger les données des utilisateurs, on peut aussi attendre le jour où les consommateurs comprendront qu'ils sont les seuls responsables de l'inintérêt de ce qu'ils regardent à la télé, au cinéma, en photos ou encore que les mastodontes du numériques soient démantelés. Bref, on peut attendre. La question est : qu'aurons-nous à proposer quand tout ceci finira par se produire ?

La LowTech

Après la FinTech, la LegalTech, etc, faites place à la LowTech ou SmallTech. Je ne connaissais pas ces expressions avant de tomber sur cet article dans le Framablog et celui de Ubsek & Rica d'Aral. On y apprend que c'est un mouvement qui s'oppose frontalement aux géants, ce qui est fantastique. C'est une vision du monde qui me va très bien, en tant que militant du Libre depuis plus de 10 ans maintenant. On peut visiblement le rapprocher de l’initiative CHATONS.
Cependant, j'ai du mal à saisir les moyens qui pourraient être mis en œuvre pour sa réussite.

Les mentalités

Les mentalités actuelles sont cloisonnées : le Libre, même s'il s'impose dans quelques domaines, reste mal compris. Rien que l'idée d'utiliser un programme au code source ouvert donne des sueurs froides à bon nombre de DSI. Comment peut-on se protéger des méchants si tout le monde peut analyser le code et en sortir la faille de sécurité qui va bien ? Comment se démarquer des concurrents si tout le monde se sert du même logiciel ? Regardez le dernier changelog : il est plein de failles béantes : ce n'est pas sérieux !
Parlons aussi de son mode de fonctionnement : qui se souvient d'OpenSSL utilisé par tout le monde et abandonné pendant des années au bénévolat de quelques courageux qui n'ont pas pu empêcher l'arrivée de failles volontaires ? Certains projets sont fantastiques, vraiment, mais les gens ont du mal à réaliser qu'ils sont, certes, très utilisés mais peu soutenus. Vous connaissez beaucoup d'entreprises pour lesquelles vous avez bossé qui refilent une petite partie de leurs bénéfices aux projets libres qui les font vivre ?

Le numérique libre est la Presse

Les gens, les éventuels clients des LowTech, ont plus ou moins grandi dans une société du gratuit. L'autre jour, je m'amusais à comparer les services informatiques à la Presse. Les journaux ont du mal à se sortir du modèle gratuit. Certains y arrivent (Mediapart, Arrêts sur Image : abonnez-vous !), d'autres, largement majoritaires, non.
Il n'est pas difficile de retrouver les montants des subventions que l'État français offrent à ces derniers. Libération en parle ici. Après avoir noué des partenariats tous azimuts avec les GAFAM, après avoir noyé leurs contenus dans de la pub, les journaux en ligne se tournent doucement vers le modèle payant pour se sortir du bourbier dans lequel ils se sont mis tout seul. Le résultat est très moyen, si ce n'est mauvais. Les subventions sont toujours bien là, le mirage des partenariats avec les GAFAM aveugle toujours et les rares qui s'en sont sortis se comptent sur les doigts d'une main.
On peut faire un vrai parallèle entre la situation de la Presse en ligne et les services numériques. Trouver des gens pour payer l'accès à un Nextcloud, un Matomo ou que sais-je est une gageure. La seule différence qui me vient à l'esprit est que des services en ligne arrivent à s'en sortir en coinçant leurs utilisateurs dans des silos : vous avez un Windows ? Vous vous servirez des truc de Microsoft. Vous avez un compte Gmail, vous vous servirez des trucs de Google. Les premiers Go sont gratuits, les autres seront payants. Là où les journaux généralistes ne peuvent coincer leurs lecteurs, les géants du numérique le peuvent sans trop de soucis.

Et le libre

Dans tout ça, les LowTech libres peuvent essayer de s'organiser pour subvenir aux besoins éthiques de leurs clients. Réflexion faite, cette dernière phrase n'a pas tant que ça de sens : comment une entreprise peut-elle s'en sortir alors que l'idéologie derrière cette mouvance favorise l'adhésion à des associations ou à rejoindre des collectifs ? Perso, je l'ai déjà dit, j'adhère volontiers à cette vision du monde horizontale et solidaire. Malgré tout, mon envie de travailler, d'avoir un salaire, une couverture sociale, une activité rentable, et peut-être un jour une retraite, me pousse à grimacer. Si les brides d'idéologie LowTech orientent les gens vers des associations, comment fait-on pour sortir de terre une entreprise éthique, rentable et solidaire ?
On ne s'en sort pas, ou très difficilement, ou je n'ai pas réussi à imaginer comment. L'idée, connue, serait de s'attaquer au marché des entreprises et des collectivités pour laisser celui des particuliers aux associations sérieuses. Mais là encore, on remet un pied dans le combat pour les logiciels libres contre les logiciels propriétaires dans une arène encerclée par des DSI pas toujours à jour. Sans parler de la compétitivité, ce mot adoré par notre Président, et de l'état des finances de ces entités. Faire le poids face à la concurrence actuelle, même avec les mots "éthique, solidaire et responsable" gravés sur le front, n'est pas évident du tout.

Proie

Si je vous parle de tout ça, c'est parce que j'estime que nous sommes dans une situation difficile : celle d'une proie. Je ne vais pas reparler de l'achat de Nginx, de ce qu'il se passe avec Elasticsearch ou du comportement de Google qui fork a tout va pour ses besoins dans Chrome. Cette conférence vue au FOSDEM, The Cloud Is Just Another Sun, raisonne terriblement en moi. L'intervenant y explique que les outils libres que nous utilisons dans le cloud sont incontrôlables. Qui vous certifie que vous tapez bien dans un MariaDB ou un ES quand vous n'avez accès qu'a une boite noire qui ne fait que répondre à vos requêtes ? Rien.
Nous n'avons pas trouvé le moyen de nous protéger dans le monde dans lequel nous vivons. Des licences ralentissent le processus de digestion en cours par les géants du numérique et c'est tout. Notre belle vision du monde, globalement, se fait bouffer et les poches de résistance sont minuscules.

Pour finir

Pour finir, ne mettons pas complètement de côté l'existence réelle d'un marché : Nextcloud en est la preuve, tout comme Dolibarr et la campagne de financement réussie d'OpenDSI. Tout n'est peut-être pas vraiment perdu. C'est juste très compliqué.
La bonne nouvelle, s'il y en a bien une, c'est qu'en parlant de tout ça dans Mastodon, je vous assure que si une entreprise du libre se lançait demain, nous serions un bon nombre prêt à tout plaquer pour y travailler. À attendre d'hypothétiques clients, qu'on cherche toujours, certes, mais dans la joie et la bonne humeur.

Enfin voilà, des réflexions, des idées, beaucoup de question. On arrive à plus de 1900 mots, de quoi faire plaisir à Cyrille BORNE.

Des bisous.

Du rachat de Nginx

Rédigé par dada / 12 mars 2019 / 6 commentaires



C'est la grande nouvelle du moment : F5 Networks, société spécialisée dans l'équipement réseau, rachète Nginx. Cette annonce dégouline dans les réseaux sociaux et les premières craintes apparaissent.

Les protagonistes

F5 Networks m'était complètement inconnue. Jamais avant cette annonce je n'avais entendu parler de cette société. Pourtant, il semblerait qu'elle ait les moyens de poser presque un demi milliard d'euros pour acheter une entreprise concurrente. Concurrente ? Oui, puisqu'il semblerait que F5 ait pour spécialité les répartiteurs de charge, ce qu'est le boulot originel de Nginx.

Les précédents

Les débats démarrés dans Mastodon font remonter à la surface des souvenirs douloureux : lorsqu'une entreprise met la main sur un logiciel libre, les choses évoluent souvent de la même façon :

- OpenOffice, porté par Sun Microsystems, a été forké quelques de temps après le rachat de Sun par Oracle. Nous utilisons tous LibreOffice maintenant.
- ZFS, avec encore Sun et Oracle dans la partie, est devenu OpenZFS.
- MySQL, toujours avec les mêmes protagonistes, est maintenant complètement supplanté par MariaDB.
- OwnCloud est devenu Nextcloud quand l'entreprise derrière le projet s'est mise à mal gérer les contributions de sa communauté.

N'hésitez pas à aller voir la liste des forks connus. C'est impressionnant.

La licence

Nginx est sous licence BSD et F5 propose des services de répartiteur de charge (loadbal', en bon langage technique) : il n'est donc pas déconnant d'imaginer que F5 va vouloir mettre en avant ses propres solutions en y intégrant les atouts de Nginx. Tout ceci en n'étant pas le moins du monde obligé de redistribuer les améliorations qu'ils ne manqueront pas d'apporter à leur nouveau jouet hors de prix.

De fait, la licence BSD nous certifie que la dernière version de Nginx nous restera en l'état : accessible, modifiable, etc. C'est du libre (sans l'éthique). Cependant, rien n’oblige F5 à reverser les améliorations futures à la communauté. C'est la magie des licences maladroitement appelées Open Source face aux licences dites Libres.

La place de Nginx

Je me souviens avoir très (trop ?) souvent trollé Nginx quand il est arrivé dans le monde de l'hébergement. Je savais bien que c'était un excellent proxy mais je n'arrivais pas du tout à l'imaginer en tant que serveur web. J'étais clairement du côté d'Apache.
Avec le temps, les choses ont beaucoup évolué et je suis loin d'être le seul à avoir foutu du Nginx absolument partout, en loadbal, proxy et serveur. Mon infrastructure ne contient quasiment plus d'Apache. Là où il est encore présent est justifié par la flemme de le virer et de réécrire des configurations pour des gains en performance minimes.

Bref, Nginx est absolument partout, même si Apache revient dans la partie avec des performances de plus en plus proches, dans certains cas.

La suite ?

Comme dirait l'autre, bien malin est celui capable de faire des prévisions, surtout quand celles-ci concernent le futur. Pourtant, le monde libriste regorge d'exemples pouvant indiquer la direction possible que va prendre Nginx : le fork.
Tout dépendra de la réputation de F5 Networks, des choix qui vont être fait et de l'humeur des membres de la communauté Nginx. La suite de l'aventure va être passionnante à suivre et, là je peux le parier, la communauté s'en sortira par le haut, avec ou sans F5 Networks.

Hacker le débat

Rédigé par dada / 28 janvier 2019 / 2 commentaires


Quand on y réfléchit, nous sommes passablement lamentables, nous les libristes. Nous avons réussi à monter des logiciels plus efficaces, plus résilients et plus transparents pour nos petits besoins mais jamais nous n'avons réellement réussi à prendre de l'ampleur.

Les réseaux sociaux ne nous conviennent pas ? Un gus dans son garage sort Mastodon.
Passer du temps à engraisser Google via Youtube ? Peertube apparaît pour nous sortir de là.
Nous n'aimons pas rester dans un silo ? Finassons ActivityPub pour interconnecter nos modes de communications.

Avec le Grand Débat, nous avions une chance de mettre en branle nos communautés pour participer aux discussions autours de choix sociétaux. Et qu'est-ce qu'on arrive à faire ? Rien.

Nous n'arrivons plus à motiver les gens sur les questions logicielles. Je ne vais pas expliquer pourquoi, je vous laisse le soin de lire le billet de Cyrille BORNE sur le sujet. C'est mort, il faut passer à autre chose.

Ne devrions-nous pas nous lancer quand même dans la bataille d'idées qui va avoir lieu ? Bien sûr que si !

Notre transparence

Nos logiciels sont libres. Cette définition est maintenant reconnue comme gage de qualité dans le milieu professionnel via l'appellation Open Source. Nous avons gagné cette bataille. Le libre est caché partout derrière nos écrans. Pourtant, dans la vie de tous les jours, il n'existe plus. Nous aurions dû gagner sur ce terrain là aussi.
Quoi de mieux qu'une comparaison simple dont je m'étonne de ne pas la croiser plus souvent : en matière politique, le libre s'apparente à nos urnes électorales. Nos logiciels sont transparents et permettent à des assesseurs de tous bords de regarder ce qu'il se trame. C'est transparent, honnête et critiquable par tous. Nous respectons des principes moraux centenaires et pourtant la majorité s'en cogne.

Notre force technique

Rien qu'en se limitant à Mastodon ou Peertube, nous avons une armée de DevOps et d'administrateurs système et réseau capable de mettre en œuvre n'importe quelle idée folle. Et en quelques jours seulement. Des centaines d'admin Mastodon, c'est énorme. Je ne sais pas s'il existe une entreprise française avec une telle force de frappe ! Nous avons moins de développeurs mais qu'importe. Ils produisent déjà des logiciels incroyables en gérant efficacement leurs communautés à travers des forges logicielles !

Notre force financière

On n'a pas un rond ? Si, nous en avons. Le développeur de Mastodon vit de son travail pour la communauté. Framasoft emploie Chocobozz pour développer Peertube et j'en passe. Nous avons des outils pour gérer nos dons et pour les répartir. Ça marche alors pourquoi ne pas continuer à s'en servir ? Loin de moi l'idée de faire croire que nous pouvons réunir 10% du budget café de Google, mais nous pouvons quand même faire des choses. Nous avons quand même les moyens d'amorcer un projet jusqu'à un plan de financement plus traditionnel, s'il le faut.

Allons-y !

On me dira qu'il existe déjà des exemples d'impact du logiciel libre dans la vie politique : Mediamanif, par exemple. Son utilisation est à l'arrêt et je me demande si elle a vraiment servi ? Il doit y en avoir d'autres, mais ils m'échappent.

Nous semblons toujours arriver après guerre, quand tout est terminé, avec des alternatives. D'ailleurs, ce mot "alternative" commence sérieusement à me courir sur le haricot. Est-ce que pour une fois, il ne serait pas possible d'arriver avant les autres ?

Je me demandais comment hacker le Grand Débat, en lâchant un simple message sur Mastodon. Quelques minutes plus tard, j'apprends qu'une startup a déjà proposé ses services à quelques collectifs pour héberger et gérer une plateforme collaborative. Mais bordel, c'est dingue ! On se retrouve avec un début d'alternative au Grand Débat qui n'est pas basé sur un logiciel libre et qui est entre les mains d'une #CivilTech dont personne ne connaît le nom et dont les offres d'emploi se concentrent sur des juniors et des stagiaires ! Stop ! Comment est-ce possible ?!

Je n'ai pas épluché le fonctionnement de Communecter (lien), mais ça me semble bien plus honnête qu'un truc non libre, non ?! Si cet outil n'est pas parfait, logiciel libre oblige, nous pouvons participer à son amélioration à travers leurs répo !

Bref, ceci est un billet d'humeur. Faites en ce que vous voulez.

Classé dans : Édito / Mots clés : aucun

Mozilla encore sous le feu des critiques

Rédigé par dada / 02 janvier 2019 / 4 commentaires


On prend les mêmes et on recommence. Ça devient lassant de lire toutes ces critiques envers la maison mère de Firefox. Vraiment. Les dernières nouvelles ont permis aux trolls de service de se lâcher :

Un autre thème que je voulais aborder : les contenus. Le Web en regorge, mais de nos jours, il est difficile de distinguer le vrai du faux. Nous avons au sein de Mozilla des experts qui doivent prendre part aux discussions sur le sujet et peuvent travailler sur des solutions expérimentales pour résoudre ce problème.

Ce paragraphe est extrait des derniers mots de Mitchell Baker, la cofondatrice de Mozilla. Qu'est-ce qu'on y lit ? Les plus tordus s'amuseront à le traduire en : "Nous allons configurer Firefox pour que les actualités qui ne nous plaisent pas mais qui pourraient vous intéresser n'apparaissent plus dans Firefox".

Dingue.

Ça me fait penser à l'intégration de Safe Browsing, l'outil de Google qui permet de recenser les sites crapuleux et de les bloquer. Qui continue à en parler ? Qui s'amuse à le désactiver lorsqu'il installe Firefox ? Sans doute personne, ou si peu. On se souvient pourtant du scandale : Google s'arrogeait le droit de couper l'accès à des sites dont le but était visiblement la malveillance. Mais de quel droit osent-ils ? Comment peut-on ?

Depuis, plus rien.

L'année 2018 a fait sortir l'influence des trolls, des crapuleux, des malhonnêtes, etc, du bois. Internet, le web, est partout et tout le monde ou presque y traîne ses gros doigts. Et les gens vont se battre pour l'orienter dans leurs intérêts.

On pourrait reprendre les mots de Baker sous cet éclairage : Mozilla va mettre sa charte et ses moyens aux services des internautes en plaçant des gens compétents au cœur des réunions qui vont certainement avoir lieu autour des notions de fakenews/désinformations/manipulations. Pour quoi faire ? Pour taper autant que possible du poing sur la table quand des mesures farfelues seront proposées.

Personnellement, quand je vois passer des liens qui redirigent les gens vers des blogs ou des torchons qui débitent des conneries dingues sur des décisions politiques entre deux billets traitant de l'existence, la vraie, d'agroglyphes : je veux bien que Firefox ouvre une popup pour m'avertir de la folie des rédacteurs.
Et moi, je m'en rends compte. Les Michus n'auront pas toujours le reflexe de s'intéresser aux contextes.

Mozilla peut se servir de ce qui lui reste de ses compétences et de sa notoriété pour nous aider. S'ils ne le font pas, nous quitterons tous le navire Firefox pour aller voir ailleurs. Pas chez Vivaldi, pas chez Brave, encore moins chez Chrome, mais pourquoi pas chez Librefox.

C'est facile de s'énerver quand la neutralité d'un navigateur ne semble plus garantie. Il ne faut cependant jamais oublier que 99% des gens ne comprennent pas ce qu'est un navigateur. Le laisser neutre serait l'idéal, c'est certain, mais peut-on vraiment se le permettre alors que les sociétés se transforment en somme d'individualisme et plus en multitude réunie par les mêmes envies, règles, droits et devoirs ?

Pour finir : les choix techniques qui seront peut-être pris par les grands navigateurs ne seront que des rustines posées sur une jambe de bois. L'éducation devrait faire son travail mais dans un monde bouffé par l'optimisation et la rentabilité de l'humain, on fait avec ce qu'on a.

Classé dans : Édito / Mots clés : aucun