Blog de dada

DevOps, bidouilleur et routard plein de logiciels libres

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Twitter, mon amour

Rédigé par dada / / 5 commentaires


En grand fan d'Arrêt sur Images, je n'ai pas raté la chronique de Daniel Schneidermann annonçant, heureux comme tout, qu'il avait décidé d'intégrer son flux Twitter à la page d'accueil de son site. L'utilisation du pronom possessif de cette première phrase est importante : on parle bien de son site. Il fait ce qu'il veut chez lui.
Chez moi, cette annonce m'a glacé le sang. Même si je sais très bien que c'est un accro de l'oiseau bleu et qu'il s'en sert pour nous fournir des articles critiques fabuleux, je ne peux m'empêcher d'être déçu.

@SI, comme on dit, est d'une qualité remarquable. J'adore tout y lire pour comprendre comment le monde tourne en décortiquant le traitement des sujets à la télévision, à la radio et sur les réseaux sociaux. Ceci-dit, je ne veux pas voir ces réseaux sociaux. Ils m'exaspèrent, me rendent furieux, me traumatisent. En lire les critiques en bien ou en mal, c'est ce que je viens chercher chez @SI. Les lire brutalement, sans recul : non. Pourquoi ? Parce que je sais très bien que ces sites sont calibrés pour me rentrer dans le crâne, pour me faire perdre mes repères et ma capacité critique : je ne suis pas taillé pour lutter contre leurs effets et c'est pour ça que j'ai décidé de les fuir.

En les fuyant, j'ai d'abord trouvé refuge sur diaspora* mais c'est sur Mastodon que je me sens le mieux. Ça va faire deux ans que je gère mon instance et que j'y traîne très régulièrement. Ce réseau n'est pas taillé pour me rentrer dans le crâne. Là-bas, rien n'est fait pour anesthésier ma fragile pensée critique et mon recul. Les infos circulent librement, les gens débattent, les points de vues se croisent : on y est bien malgré les seulement quelques millions d'utilisateurs à l'échelle de la planète.

Depuis quelques semaines, pourtant, j'ai le sentiment que nous sommes en train de perdre. Nous, les utilisateurs de Mastodon, n'avons pas réussi à clairement expliquer ce que nous y cherchions. Je me permets de dire ça en ayant un œil sur la timeline publique. Qu'est-ce que j'y vois ? Des messages provenant de Twitter.

Une quantité non négligeable de messages calibrés pour Twitter que des utilisateurs de Mastodon peu scrupuleux nous glissent sous les yeux.

Bien sur, ils ne sont pas triés par les algorithmes du géant américain avant de venir se caler sous nos yeux. Ça n'est pas possible. Par contre, ils sont calibrés, taillés, rédigés, construits pour bénéficier de cet algo magique dont seul Twitter a le secret. Et ça, pour moi, c'est non.


Je ne peux pas m'empêcher de vous refourguer cette vidéo de Datagueule. Elle nous rappelle le ciblage efficace des citoyens par le politique à travers des outils numériques. Tout le monde s'en sert, pas que les politiques. Ces derniers veulent simplement vous connaître pour mieux récupérer votre bulletin de vote. C'est le jeu, dirons-nous.
Par contre, avec l'aide des grandes plateformes, ils sont capable de vous retourner le cerveau avec une précision terrifiante. Quand les GAFAM s'amusent à récolter des données, c'est souvent pour les revendre à des statisticiens, qui feront des courbes, dégageront des tendances et refileront tout ça à ceux que ça intéresse : les producteurs de films, de musiques, des publicitaires, les constructeurs automobiles et, vous le devinez : les politiques.

Une discussion avec mon frère m'a fait comprendre que les gens restent persuadés d'avoir le contrôle sur ce qu'ils déballent dans l'Internet. J'ai mis du temps avant de comprendre qu'il ne pouvait tout simplement pas imaginer que Twitter, Facebook, Google et les autres ne peuvent être utilisés sereinement. C'est impossible. Vous ne pouvez pas avoir un usage serein des anciens réseaux sociaux tout comme vous ne pouvez pas voler avec une voiture. Ce n'est pas fait pour. Que vous le vouliez ou non, d'autres personnes que vous ont décidé de leur fonctionnement.

Twitter a permis l'émergence de choses fabuleuses : que ce soit le mouvement Metoo, les violences policières, les révolutions arabes et tous ces autres événements sociétaux passionnants dont les noms m'échappent. Malgré ça, j'ai besoin de calme et d'un traitement de fond comme sont capables de m'offrir les articles d'@SI ou des Jours.
La boite noire Twitter fait émerger des sujets puis les enterre. C'est son fonctionnement. C'est comme ça. Tant pis pour la diffusion de l'analyse de fond. Il faut renouveler l'engagement du twittos alors on met en avant ce qui provoque le plus de réactions sanguines, impulsives.

Il existe des vidéastes qui en jouent très bien, comme le patron de la chaîne Astronogeek. Il utilise des titres provocateurs pour sortir la tête de l'eau de Youtube et ça semble marcher. Il le fait d'une façon intelligente et de nombreux témoignages remercient ses coups de pubs sur le dos de l'algo de Youtube. M'enfin, à l'échelle de Youtube, cette intelligence ne pèse malheureusement pas grand chose.

C'est la masse des gens soumis à ces réseaux qui, je le crois, cassent en partie le fonctionnement de notre société. Ce n'est pas jouer au vieux con que de dire ça : il devient difficile de ne plus trouver d'article de presse en ligne populaire n'affichant pas le contenu d'un tweet ou d'un poste Instagram dans son corps. Ces réseaux deviennent le point de départ de sujet qui vous passeront sous les yeux et alimenteront les discussions autour de la machine à café. On est tous touchés par ces monstres, qu'on y ait un compte ou pas. Ils influencent massivement le débat public à cause de leurs utilisateurs. Ils déforment ce débat. Un sujet qui apparaît à la une de la presse en ligne, provenant d'un tweet, est affuté pour sortir la tête de l'eau de l'océan Twitter. Il est déjà sélectionné de par son respect des règles. C'est trop tard.

Je ne veux pas de ça sur Mastodon. Je veux que vous veniez débattre, échanger, râler mais je ne veux surtout pas du mode du fonctionnant d'un Twitter sous mes yeux. Si vous venez nous rejoindre, gardez ça a l'esprit et ne cherchez pas à devenir celui ou celle qui buzzera avec le bon mot. Devenez un passeur de connaissances, actif, c'est déjà énorme.

Ne vous méprenez pas : Les réseaux neutres comme Mastodon ne sont pas la solution à tous les problèmes qui traversent notre société. Ils sont simplement là pour vous rappeler que vous pouvez vous enfermer tout seul, sans l'aide de personne ni d'algos, comme un grand, dans votre bulle et l'assumer.

Des bisous

5 commentaires

#1  - XavCC a dit :

Yop.

Tu me connais amoureux des pouets et parois à l'esprit torturé.

Je profite de mon premier commentaire sur ton blog pour tenter de tirer un fil ensemble depuis la fin de article.

« Les réseaux neutres comme Mastodon »

Comment est-ce que des mastonautes se représentent, et donc construisent, l'objectivité des opérations effectuées par les outils numériques ?

Il me semble que l'on peut justifier d'une solution reposant sur des opérations dès le moment que nous fabriquons une représentation d'objectivité des opérations effectuées par des outils numériques.

Nous avons a besoin de se les représenter chargés de qualités objectives pour les mobiliser, s'en servir disons plus simplement. Or l'objectivité s'est construite aussi par des conditions socio-historiques (et il y en a un tas chez les habitant⋅e⋅s du fediverse et chez les conceptrices et concepteurs) dans la démarche informatique.

J'entends informatique comme une démarche scientifique, technique effectuant des traitements automatiques de l'information par l'exécution de programmes qui existent dans le conditions de rapports sociaux.

De plus nous nous représentons ces outils ( fediverse, etc.) comme des réponses à des problèmes, ceux que tu évoques en partant de Twitter ("masse des gens soumis à ces réseaux") qui n'avaient pas été conçus par les personnes qui ont pourtant développent de nouveaux outils, bien que ces personnes, dont nous, tentent d'apporter des pistes de réponses.

« ah mais nous on veut pas résoudre vos problèmes hein, on apporte une solution technique qui permet de faire plein de choses, nous n'avons pas prétendu construire une donnée "objective et fiable" au sens auquel vous l'entendez vous dans votre étrange univers juridique. C'est votre lecture de notre activité technique qui n'avaient (ajout perso : a priori) pas de rapport avec vos activités interprétatives. » François Curan.

Mastodon et parents ne sont pas neutres. Je pense que tu sais et maîtrise cela. Ils sont situés, ils sont chargés, ils sont orientés. Parfois sans totale indépendance à twitter et Cie, qui eux font leur fortune sur le bruit, ou « buzz » et vanités.

« ne cherchez pas à devenir celui ou celle qui buzzera avec le bon mot. Devenez un passeur de connaissances, actifs, c'est déjà énorme. »

Je crois profondément (comme toi ?) que c'est cette partie la du fonctionnement de la société qu'il faut changer, peut être alors qu'alors l'utilisation d'outils et même leurs conceptions changera. C'est un espoir chez moi.

Il s'agit alors de _déformer_ une matière molle « socio-historique » qui nourrit des cultures pour ensuite lui permettre de se reformer en ayant conscience ces propres constructions ?


Au plaisir de te lire

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#2  - Jarfr a dit :

Je l'ai fait ( lié Twitter et masto) parce-que je voulais amener sur masto ce que j'aimais sur Twitter , l'infosec ..mais Twitter est une came , je n'en pouvais plus...aspirer mon temps libre au lieux de la bonifier , j'ai tout larguer et maintenant je respire je suis libre !

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#3  - xakan a dit :

Sur Mastodon, tu as quand même une idéologie dominante.

Est-ce que du coup tu penses que ce réseau permet réellement aux points de vue de se croiser, ou bien ce sont juste des forks d'une idéologie globalement identique ?

Pour ma part, je n'ai pas de côté politique, ni à gauche, ni à droite, ni au centre. Et je parle très peu de ces sujets d'ailleurs. Mais j'ai besoin de me nourrir des différents points de vue. Ce qu'on ne trouve pas sur Mastodon, qui est à gauche. Plus ou moins à gauche de la gauche, mais à gauche.

Et en dehors des conneries que je peux poster, avec quelques personnes comme moi, je trouve : de la politique de gauche, et du logiciel libre.

Et au final, même si je te rejoins sur la pénibilité des tweets qui apparaissent dans les TL, je ne crois pas qu'un jour il y ait matière à vrais débats. Malheureusement.

Mais là où je te rejoins totalement, c'est sur ce point :
"Devenez un passeur de connaissances, actifs, c'est déjà énorme."

Mais, là encore... Ce sera toujours beaucoup trop orienté, et dommage.

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#4  - dada a dit :

Je ne sais pas si Masto a vraiment une idéologue dominante dans le sens de "vraiment dominante".

Contrairement aux autres réseaux, rien n'est fait pour qu'un message et donc des idées, s'impose par le jeu des partages et des favoris. Pour le coup, si les idées "de gauche" sont bien présentes dans le Fédiverse, c'est surtout parce que l'organisation technique du réseau a attiré les gens de ces courants-là.
Bêtement, j'imagine Twitter mourir des idées réact' qui ne seraient plus visibles que là-bas, dégouttant tout un pan des utilisateurs.

Quant aux gens actifs, c'est vraiment le plus difficile à avoir : je comprends qu'on puisse avoir peur de dévoiler ses idées mais je trouve que n'être qu'un consommateur ou une consommatrice passive est bien pire.

Franchement, que des gens plutôt "de droite" débarquent par chez nous serait vraiment souhaitable : ça permettrait de ne plus me taper les C Dans L'Air & co pour rester au courant de ce qui se dit ailleurs :)

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#5  - gegeweb a dit :

@xakan, je ne pense pas qu'il y ai réellement une idéologie dominante dans le réseau formé par les logiciels de ce qu'on nomme la « fediverse ».
Mastodon (le logiciel) en a probablement une de par la forme autocratique de son développement.
En revanche, j'aurais tendance à penser qu'on a cette impression d'idéologie ou courant de pensée dominante tout simplement parce que ce sont des logiciels et réseaux alternatifs à ce qui se présente comme des réseau sociaux. Il faut déjà une démarche individuelle pour sortir de ces univers et en découvrir d'autres.
De fait il y a déjà un point de convergence entre les différents utilisateur·trices de ces logiciels ou réseaux.

Mais le ou les logiciels sont neutres, il n'y a pas d'algorithme pour mettre en avant tel ou tel contenu en fonction du ciblage de l'utilisateur. Les instances ou nœuds, pas forcément, ça ça va dépendre de ou des administrateur·trices des instances.

Et comme qui se ressemble s'assemble, au fil de sa présence sur le réseau et des connexions qui vont s'établir alors on va avoir forcément avoir tendance à se connecter avec les comptes pour lesquels on a une affinité au regard des contenus publiés.

Ce n'est pas la machine (ou plutôt le programme) le responsable, mais l'individu lui même qui va choisir les contenus qu'il va lire ou mettre en avant (via les fonctionnalités du ou des logiciels).

Pour terminer, je partage l'avis de @dada, je ne me suis pas retrouvé sur ce réseau (via mes propres instances de Mastodon et Pleroma) pour y retrouver ou lire des contenus provenant de Twitter où j'ai toujours un compte, mais où très vite je ne me suis pas senti bien contrairement à la fediverse.
Il faut couper le lien.

Je suis sur Mastodon et Diaspora (où je suis beaucoup moins présent) connecté avec des gens très intéressant que je n’aurais probablement pas découvert sur Twitter ou Facebook.

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