On va tous mourir
Rédigé par dada / 29 juillet 2018 / 23 commentaires
Oui, c'est du Cyrille BORNE. Complètement, même.
Je lisais son article autour de la vie des blogueurs libristes et des sites francophones traitants de Linux et du Libre. Il revient sur la difficulté de trouver des nouveaux acteurs dans la francophonie libriste. Les anciens blogueurs disparaissent, les nouveaux n'émergent pas vraiment et plus personne n'aborde les sujets simples comme l'arrivée de la dernière version de bidule ou la mise à jour de machin. Bref, on va tous mourir.
L'anglais
L'anglais est devenu un problème : les nouveaux francophones qui débarquent dans la jungle d'Internet et qui décident de prendre leur courage à deux mains pour y pondre des billets ne le font plus en français. C'est l'anglais qu'ils utilisent. On a perdu le combat de la langue. Écrire en français n'intéresse plus grand monde. C'est triste mais ça se confirme assez facilement. J'ai en tête la venue du jeune Angristan dans la blogosphère et dont le dernier billet en français date de février alors que le dernier billet en anglais date de ce chaud mois de juillet. C'est un exemple, mais ça illustre l'idée que j'ai des nouveaux arrivants : pas de français, c'est lu par trop peu de monde, place à l'anglais.
Est-ce que c'est un mal ? J'en sais rien. Je sais que ça m'attriste terriblement. Personnellement, je me force toujours à tout écrire en français par simple esprit de provocation. Ma série d'articles sur Prometheus n'a aucun intérêt pour celles et ceux qui maîtrisent la langue de Shakespeare. Même si je vulgarise à mort, rien de ce que j'écris n'est difficilement trouvable sur des sites anglophones.
J'ajoute qu'il ne faut pas oublier qu'on vit dans ce que certains appellent maintenant une Startup Nation. Alors, doucement, ce vocabulaire et cette déclaration sont très récents, mais ces idées se sont imposées par des années de mode à 2€ : on va speaker l'anglich plutôt que le français. La force de frappe culturelle de la Silicon Valley a fait mal, très mal.
L'admin et l'élitisme
L’activité de la blogosphère francophone est effectivement marquée par l'administration système. La faute à quoi ? J'en sais rien. Les blablateurs dont je fais partie sont issus d'une génération formée à l'administration ? Le français est-il plus intéressé par la mise en place de briques logiciels que par l'analyse de la position d'un bouton ou du choix du dernier thème pour Ubuntu ? Aucune idée. Ce que je remarque, c'est que l'activité autour de l'ActvityPub prend vraiment chez nous, mais là encore, les gens en parlent en anglais.
Bon, la presse classique et grand public en parle dans notre bonne vieille langue : Le Monde, 20Minutes, etc. Mais là, on sort de l'ambiance blog.
L'élitisme ? Je me souviens avoir lu des articles autour de cette théorie qu'on appelle "La peur du professeur". Je ne retrouve plus mes sources, tant pis pour moi mais je vais tout de même en parler. En France, l'erreur est vue comme un danger dès le plus jeune âge. Les enfants sont rabroués quand ils se trompent. Durement. À la longue, on se retrouve avec des jeunes adultes qui n'osent plus prendre une plume ou lever la main pour dire ce qu'ils ont à dire : la peur de se faire éclater est vive, bloquante. Ce n'est pas la raison ultime qui explique l'absence de nouveaux venus, mais ça doit fortement jouer. Tout blogueur s'est pris des volées de bois verts. Faut s'accrocher pour continuer et assumer. Il faut croire que nos amis anglo-saxons n'ont pas ce problème, ou dans une proportion moindre. Le français est autant attaché à la forme qu'au fond. Les anglo-saxons tolèrent peut-être mieux une forme maladroite quand le fond est bon. Qui sait ?
Les réseaux sociaux
Grand débat que l'usage des réseaux sociaux. Je sais que je suis un gros consommateur de Mastodon. Je n'ai jamais accroché à Twitter, mais Mastodon : oui. Pourquoi ? L’administration : j'ai monté mon instance, du coup, je m'en sers.
Les autres, je les vois de temps en temps passer dans mes statistiques. La dernière fois, c'était de la faute de Korben. Il a partagé un de mes billets sur ses machins et je me suis retrouvé avec des visiteurs venant de Facebook. Ils sont arrivés comme ils sont partis, sans trop penser à demain (Miossec). Un coup d’œil à mes graphiques sur mon Matomo (anciennement Piwik) me laisse de marbre : même pas un petit pic alors qu'ils ont débarqués par centaines. Qu'en conclure ? Les gens restent dans leurs Timelines et n'en sortent pas, ou peu. C'est un problème si on se met à considérer qu'un utilisateur de Facebook ou de Twitter est un gars ou une nana issu du libre, mais non. Les gens vont et viennent quand un titre est assez vague ou provocateur pour les attirer. Il n'y a que le Journal du Hacker pour vraiment drainer du monde. Là, ça vient pour de vrai. On ne peut pas voir les réseaux sociaux comme quelque chose de bon ou de mauvais. On ne peut que simplement dire qu'ils sont cloisonnants et peu enclin à créer du lecteur. On lit ce qu'on voit passer sur Facebook et Twitter dans Facebook et Twitter. On n'en sort que par accident.
Avec le protocole ActivityPub et toutes les interactions qui sont en train de se mettre en place, je pense qu'on va pouvoir dire qu'une partie du problème est en phase d'être résolu. Dans mon billet sur la Fédiverse, j'ose dire que ce langage commun va permettre des passerelles entre plusieurs mondes : les amateurs de photos vont passer par Pixelfed pour échouer sur Mastodon et y découvrir des instances Peertubes. J'en suis persuadé. Là où ça coince, c'est, comme toujours, le contenu. J'en parlais ici. Il faut que nous mettions tout ça en branle. Ça ne tient qu'à nous, vraiment. Est-ce qu'on va rameuter la Terre entière sur Mastodon ? Je ne l'espère pas, y'a bien trop de choses dont je me fous royalement, mais on peut espérer un peu plus de diversité quand même. Qu'on se le dise, il y en a, de la diversité, sur Mastodon : du dessinateur à la cosplayeuse en passant par l'administrateur ou le fan de moto, on en trouve. La norme reste tout de même l'utilisateur de Linux, le libriste.
Avenir
Ma boule de cristal me laisse entrevoir une chose : l'ActivityPub. Ce machin peut être à l'origine d'une synergie de dingue. Ce que je veux dire, c'est que nous devons être à l'origine d'une mode, une nouvelle mode, qui sera à l'origine d'un renouveau. J'en rêve. On a déjà le microblogging avec Mastodon, la musique avec Funkwhale, les photos avec Pixelfed et bientôt Reddit avec Prismo, les simples blogs avec Plume. On a vraiment de quoi remuer la torpeur dans laquelle la blogosphère francophone s'est installée.
Enfin voilà, j'ai éclaté mon record de mots. C'est du gros blablatage. Je vais m'arrêter là. Au plaisir de vous lire depuis Mastodon.